Le Village des marques. La mariée est-elle trop belle?

Publié le par Vernon-défis

    Quand il annonça la venue sur le Normandie-Parc de Mac Arthur Glen (MAG), le promoteur anglo-saxon du commerce à grande échelle, le président de la CAPE était convaincu d'avoir trouvé la solution miracle à bien des difficultés : création de 1 000 emplois, ressource fiscale pour la CAPE, "formation maison"aux métiers de la vente, 160 millions d'euros de travaux qui seront autant de retombées sur l'activité économique locale, renommée du territoire centuplée par les "tours opérators" vendant le"package" Giverny-Douains aux consommateurs ébahis des pays émergents des 4 coins de la planète, Giverny pour le tourisme culturel et Douains pour le tourisme commercial, nouveau concept que les insatiables financiers toujours en mal d'une trouvaille marketing viennent d'inventer.

 

   Mais très vite, la contestation a enflé de la part des commerces de centre ville sur toute la région et plusieurs questions sont maintenant posées :

 

1- Combien d'emplois seront détruits pour les 1000 créés ? Les commerçants s'appuyant sur les chiffres du CREDOC disent 3 000 (1 emploi dans la grande distribution correspond à 3 emplois dans le commerce de détail). Les partisans du projet soutiennent que le Village MAG ne concurrence pas les commerces locaux : il ne s'agirait que de vêtements de luxe qui, même avec un rabais, restent sur un autre créneau que les offres locales. Bien mieux, des commerçants bénéficieraient de la présence de ce village ( sous-traitance de certains services comme la restauration, possibilité d'avoir une boutique sur le site s'ils faisaient partie des rares cas menacés). Le nouveau président de la CCI a lancé une étude, visiblement pas très spontanément, mais poussé par sa base commerçante pour savoir quel serait l'impact de ce projet sur l'économie de la zone de chalandise. Mais MAG ne veut pas en attendre les résultats et souhaite déposer son dossier devant la Commission Départementale d'Aménagement Commercial (CDAC) dès le mois de mars.

 

2- Ce projet économique est-il durable ? Un jean Lee Cooper par exemple est fabriqué avec du coton d'Inde ou du Kazakhstan, est filé en Chine, teint aux Philippines, tissé en Pologne, ramené aux  Philippines pour y être assemblé avec des boutons italiens fabriqués avec du zinc d'Australie et du cuivre de Namibie, envoyé en Grèce pour être lavé et assoupli avec des pierres ponces venues de Turquie pour être ensuite vendu en Europe : il a alors effectué 19 000 km. Presque toute l'industrie textile aujourd'hui fonctionne ainsi, direz-vous, pour "optimiser les coûts comparatifs" disent les économistes . Certes, mais confier la distribution à des groupes comme MAG, c'est certainement reculer encore le moment où nous pourrons sortir de cette machinerie infernale, c'est la fuite en avant, dans une logique que la planète et les sociétés ne pourront pas encore supporter longtemps : pollution de l'air et des mers, crise de l'énergie, délocalisations...ce à quoi les partisans du projet rétorquent qu'il faut être réaliste : toujours plus de concentration, des marchés toujours plus étendus, des gains de productivité incessants, telle est la loi du progrès et de l'accumulation du capital, disent-ils confiants. Or, ils se trompent : car si cela a bien été la loi du développement économique depuis deux siècles et demie environ, les limites sont atteintes et cela ne pourra plus durer encore très longtemps à cause des dégats écologiques et sociaux générés. Et c'est d'ailleurs pour cela que l'on parle maintenant de développement durable. Mieux vaudrait donc anticiper les mutations qu'il va falloir effectuer plutôt que de les subir de plein fouet, désarmés. Ce à quoi nous entraîne à terme un projet comme celui de MAG.

 

3- Ce projet de MAG n'est-il qu'économique? Non, une activité économique de cette ampleur ne fait pas que rapporter un impôt, produire un bien ou un service, générer des revenus. Elle véhicule aussi des modèles culturels, un certain type de relations entre les individus. Et c'est peut-être cela  le plus grave. Les commerçants contestataires l'ont bien compris qui valorisent dans leur argumentaire la qualité de vie d'un centre ville animé et enraciné dans une histoire par opposition aux constructions artificielles, plantées là comme les décors posés pour les besoins d'un film....publicitaire. Une commerçante de Louviers l'a dit avec toute son émotion :"...Nous ne voulons pas de votre Dysneyland commercial, c'est une question de culture...". En effet, nous ne voulons pas de la culture de la marchandise, celle qui fait que ce n'est plus l'économie qui est au service des hommes mais les hommes au service de l'économie, celle qui légitime le travail le dimanche car les affaires passent avant tout le reste, celle qui conditionne les besoins par son tapage publicitaire pour faire de la consommation ostentatoire un signe de distinction sociale. Et MAG a prévu un très gros budget publicitaire !

 

Des territoires ont commencé à inscrire cette analyse maintenant bien connue dans leur action. Nous en reparlerons au cours de prochains articles.

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