Attention Hôpital !

Publié le par Vernon-défis

 

Une inspection de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) récente a donné récemment un pré-rapport de sa mission au directeur et aux médecins hospitaliers. Ca n’est pas un rapport officiel mais les conclusions semblent avancées :
le déficit du ce
ntre hospitalier intercommunal Evreux –Vernon (CHI Eure-Seine) est « abyssal » de 15 M d’euros , des mesures drastiques doivent être prises , et une des propositions phare de l’IGAS c’est la fermeture des blocs opératoires de Vernon qui feraient double emploi avec ceux d’Evreux.
Cette proposition est tout simplement infondée et suicidaire. Deux niveaux d’analyse sont n
écessaires pour bien comprendre. D’abord le contexte national du financement des Hôpitaux et deuxièmement la réalité locale avec son historique et ses particularités.

 

LE CONTEXTE NATIONAL :

http://www.danielmartin.eu/Economie/SS-USA-France_fichiers/image014.gifDepuis plusieurs années les gouvernements de tous bords ont cherché à réduire le déficit de l’assurance- maladie et ont fait régulièrement et sévèrement des coupes sombres dans le remboursement des prestations. La tentative de maitrise de l’évolution de ces dépenses s’est soldée par l’apparition de l’ONDAM (objectifs nationaux des dépenses de l’assurance maladie), enveloppe financière fermée votée chaque année au budget par nos députés, puis distribuées en sous enveloppes, tout aussi fermées, pour chaque ARS (agence régionale de Santé).
Parallèlement ces gouvernements ont tous cru que la mise en concurrence commerciale de tous les établissements de santé (publics et privés) allait aussi permettre d’ « assainir » le fonctionnement des établissements publics , accusés de « gabegie » permanente ; c’était aussi dans l’esprit des institutions européennes dont une des valeurs fondatrice est la concurrence « libre et non faussée ». Alors on a inventé le T2A (tarification à l’activité) qui était censée mettre à égalité tous l’établissement en proposant après étude analytique, un tarif pour chaque activitéhttp://2.bp.blogspot.com/-0AINMliaRPI/TttXKvSHlCI/AAAAAAAACRs/66B2CxSocKw/s1600/urgence.jpg.

Par exemple le tarif d’une prothèse de hanche sera fixé à 1000 € (chiffre non réel, simple hypothèse pour la démonstration) ; Et les services qui feront 100 prothèses par ans pourront compter sur 100.000€ de recette pour cette activité. Soit. Et alors on dit aux médecins « faites de l’activité, cotez bien tous vos actes et votre établissement sera prospère ».
Mais le problème, c’est que l’enveloppe est fermée et que, à l’usage, si , une année, ce mode de financement coute trop cher , les autorités sanitaires disent : « excusez nous mais l’ année prochaine la prothèse de hanche sera à 900 € » .
Tous les leviers sont donc du cotés des tutelles ; comment, d’ailleurs, continuer à parler de concurrence libre et non faussée dans un tel contexte d’enveloppe fermée. Il semble que l’année prochaine le taux d’évolution de l’ONDAM sera de 2.5% alors que l’inflation et l’évolution normale des salaires réclameraient au moins 3.2 %.
Les hôpitaux publics, à qui sont confiés une très grande part des missions de service public (accueil des urgences, soins aux plus démunis, soins gériatriques de longue durée, formation des médecins, infirmières, recherche etc.) sont très souvent déficitaires (2/3 des hôpitaux) car cette mission de service public sont mal financées par les tutelles. Il y a certes les MIG (enveloppes de l’ONDAM réservées pour les missions d’intérêt général) mais souvent insuffisantes dans le contexte de restriction budgétaire.
Autre réalité fondamentale récente, c’est la mise en place de la loi HSPT dite loi Bachelot (votée en 2009, décrétée en 2010). Cette loi donne tout pouvoir aux directeurs d’hôpitaux, eux-mêmes nommés par l’ARS (émanation gouvernemental, faut-il le rappeler).
Par exemple, le recrutement des médecins est uniquement du ressort du directeur. Il a la mission de gérer l’hôpital comme une entreprise en équilibre financier avec les financements qui lui sont confiés.

Les conseils d’administration (où siégeaient des élus, des médecins, des syndicats avec voix délibérantes) sont supprimés. Ils sont remplacés par des conseils de surveillance, assemblée à vocation uniquement consultative, ou élus et médecins sont beaucoup moins représentés et dont l’avis peut être totalement ignoré par le directeur et l’ARS. Déficit démocratique énorme.
Il y aurait d’autres choses à dire mais cela alourdirait le propos.
Il suffit de savoir que ce contexte mets tous les hôpitaux publics dans une situation financière d’emblée problématique.

LA REALITE LOCALE
Dans les années 95-96, le gouvernement a voulu, à partir du constat de la lourdeur croissante des dépenses de santé, fermer nombre de petits hôpitaux ou maternités (on se rappelle du combat médiatisé de la ville de La Mure pour éviter la fermeture annoncée de sa maternité) et parallèlement encouragé voire décrété la fusion administrative de structures proches (comme Evry Corbeil, Poissy Saint Germain…) pour faire des « économies d’échelle ».
Des directeurs ont été nommés avec cette mission comme feuille de route. Ça a été le cas pour Evreux-Vernon.
Evreux était plutôt en situation délicate,http://www.chi-eureseine.fr/page/iso_album/vue_du_ciel2_480x600.jpg en raison notamment d’une difficulté de recrutement médical et d’une réputation médiocre (à tort ou à raison ?) mais Vernon se portait bien, et avait redoré son image par une rénovation architecturale importante.
La fusion annoncée a été très mal vécue par le personnel hospitalier qui a multiplié les actions syndicales et populaires. La fusion a été ainsi repoussée à plus tard en mettant en place un syndicat inter-hospitalier transitoire avec une durée de vie déterminée pour aboutir à la vraie fusion. La complémentarité souhaitée ne s’est jamais vraiment mise en place. Les médecins et le personnel ont réussi à imposer une charte de fonctionnement des deux établissements, reconnaissant officiellement leurs activités « bi-sites » et la mobilité des agents entre les deux structures seulement sur la base du volontariat. Les économies d’échelle n’ont jamais été au rendez vous. Plusieurs postes de directeur-adjoint ont même été créés. Ensuite, le constat fait par L’ARH (agence régionale d’hospitalisation avant la création des ARS) et surtout par Jean-Louis Debré alors maire d’Evreux, que l’hôpital saint Louis d’Evreux était vétuste, enclavé en centre ville, justifiait de construire un nouvel hôpital.
Pour diverses raisons, probablement d’abord politiques, le site de Cambolle, en pleine campagne sur la route de Lisieux, et donc à l’opposé de l’accès de Vernon, a été décidé. Décision aberrante puisque la fusion Evreux-Vernon était actée et que l’axe de circulation entre les deux villes n’est déjà pas naturel et met à presque une heure de trajet les deux hôpitaux. Sa conception a été très ambitieuse; pour augmenter son attractivité, des salles pour la coronarographie ont été créées. Mais peu après, l’ARH réalisant qu’une activé importante de coronarographie existait à la Clinique Bergouignan, a retiré son autorisation pour Cambolle. On se retrouve donc avec un Hôpital de Cambolle, sur-dimensionné, mal situé, très mal desservi par les transports en commun, avec des parkings insuffisants qui n’a pas pu répondre aux prévisions d’attractivité et donc d’activité accrue. Ces successions d’erreurs aboutissent à un surcoût structurel de 8 millions d’euros (donc plus de la moitié du déficit actuel).
http://www.chi-eureseine.fr/page/iso_album/entree_vernon_1_480x600.jpgVernon, quant à lui, garde une bonne activité. De nouveaux praticiens ont été recrutés ; l’activité de la maternité augmente. L’orthopédie est toujours attractive et bénéficiaire. Mais la mutualisation plombe les comptes globaux. Ceci ne veut pas dire que Vernon ne doit pas aussi chercher à améliorer son activité, mieux mutualiser les fonctionnements, réfléchir à des complémentarités au lieu de rester dans une offre de soins « en miroir » avec Evreux.
En tous cas fermer les blocs opératoires de Vernon,

  • fermerait d’importantes rentrées financières,
  • diminuera inéluctablement l’activité de la maternité, qui sans bloc, n’offre pas de sécurité,
  •  appauvrira l‘accueil des urgences qui ne pourra pas répondre aux urgences chirurgicales.
  • Et les fuites de patients constatées sur Mantes, Pontoise et Rouen ne feront que s’accentuer.

    C’est une illusion complète de croire que la diminution de l’offre à Vernon augmentera automatiquement le recours à Evreux.
    C’est le déficit démocratique qui est la l’origine de cet échec.
    Tous les acteurs (tutelles, direction, médecins, audits du ministère, représentants du personnel, des usagers, les élus...) doivent se mettre autour d’une table et examiner la situation pour donner aux habitant l’offre de soins de service public dont ils ont besoin.
    Sachant que l’Eure est un des départements les plus sous médicalisé (avant dernier au classement). Il convient, au contraire, de le favoriser. La seule logique comptable ne le fera pas.
    Là aussi, d’autres points aurait mérité d’être dits mais ceux qui figurent ici sont importants.

    Jérôme BULTEL
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