CIRCUIT AUTOMOBILE-Lettre ouverte à Mme la Préfète
Jean-Claude MARY Vernon, le 18 mars 2011
Vice-Président au Développement Durable
À la Communauté des Portes de l’Eure
Objet : le circuit automobile de Saint-Just
Lettre ouverte à Madame la Préfète de l’Eure.
Madame La Préfète,
J’avais adressé le 31 janvier 2011 à Monsieur le Directeur Départemental des Territoires un courrier lui indiquant que des espèces protégées, au titre de l’annexe 1 de la Directive Oiseaux de 1979, nichaient sur le site du CNPP où a été aménagé le circuit automobile dénommé « Le circuit de l’Eure ». Il s’agit de 4 à 6 couples d’oedicnèmes criards. Je vous avais adressé une copie de ce courrier, d’ailleurs laissé sans réponse.
Il s’avère en fait que la faune, en ce lieu, est aussi riche de batraciens dont vous connaissez l’importance pour la vie des écosystèmes et également de plusieurs espèces de chauves- souris, elles aussi protégées par la réglementation européenne.
L’absence d’étude d’impact, alors qu’il s’agissait de travaux dépassant de très loin le seuil des 4 hectares qui la rend obligatoire, n’a pas permis d’envisager les conséquences que pouvaient avoir cet aménagement sur cette faune très précieuse. Elle a permis aussi d’en cacher une autre, très grave, le non-respect de la loi sur l’eau. Il n’y a aucune prescription concernant les hydrocarbures, les métaux lourds, les gommes de pneus qui retomberont sur la piste avant qu’elle ne soit lessivée par les pluies au détriment de la nature environnante et en particulier des mares et de la nappe phréatique relativement vulnérable à cet endroit puisque l’on sait qu’elle a déjà été souillée à partir de ce site, il y a quelques années. Il est fait allusion dans la demande de permis -d’une manière tout à fait désinvolte- à une récupération des eaux en des termes on ne peut plus vagues, lapidaires et imprécis. Par ailleurs, il est fait référence au fossé comme mode d’assainissement, ce qui semble bien confirmer que les eaux polluées sont destinées à s’enfoncer dans le sol.
À cela est venu s’ajouter le bruit insupportable pour de nombreux riverains ce qui montre que le dernier considérant de votre arrêté d’homologation du circuit est erroné puisqu’il affirme que les mesures prévues permettront de prévenir toute atteinte à la tranquillité publique.
Le pétitionnaire ment lorsqu’il ne fait référence dans sa demande qu’aux 26 000 m2 de voirie puis qu’il faudrait y ajouter les 48 000 m2 d’accotements qui ont nécessité, eux aussi, déboisements et défrichage. Un calcul rapide montre que nous sommes bien au-dessus du seuil des 4 ha.
Ce vice de forme n’a pas permis de prendre en compte les atteintes à l’environnement et à la santé publique que peut créer ce circuit. La rapidité étonnante de l’instruction et la discrétion avec laquelle la procédure administrative s’est déroulée n’ont pas permis aux élus et aux citoyens de s’exprimer sur l’opportunité d’un tel investissement : certes conforme à la lettre du Schéma de COhérence Territoriale de la CAPE (SCOT) mais certainement pas à son esprit puisque ce dernier affiche -entre autres- la sauvegarde des mares, le respect de la biodiversité et la protection des espaces agricoles et naturels, certes développant une activité légale mais certainement pas conforme à une orientation de développement durable, d’économies d’énergie et de limitation des émissions de gaz à effet de serre. La CAPE va devoir élaborer un Plan climat énergie dans les mois qui viennent. Comment ne pas voir là une incohérence lorsque 600 litres d’essence sont ainsi brûlés en un dimanche ?
Illégal et, à notre avis comme à celui de beaucoup de nos concitoyens, inopportun, le circuit de l’Eure doit être fermé et la procédure doit être reprise depuis le début dans le plus strict respect des règles qui permettent la publicité du projet, l’information des citoyens et des élus, la prise en compte de leur avis, la mise en œuvre des prescriptions nécessaires à la protection de l’environnement et de la santé des habitants.
Le fait accompli n’ajoute rien à la validité de cet aménagement et en aucune façon, pas plus qu’une pression qui pourrait s’exercer de la part d’une personnalité politique, il ne pourrait justifier la poursuite de cette activité dans les conditions actuelles.
Avec l’espoir que vous saurez prendre cette décision que beaucoup attendent de votre part, je vous prie d’agréer, Madame La Préfète, l’expression de ma plus haute considération.
Jean-Claude MARY